
Vous détenez une créance sur une personne. Vous avez des raisons légitimes de penser que vous ne serez pas payé. Avez-vous pensé à la saisie conservatoire de compte bancaire ? Le point sur la question.
Définition : la saisie conservatoire de compte bancaire
La saisie conservatoire est définie par l'article L. 521-1 du Code des procédures civiles d'exécution.
Il s'agit de ce que l'on appelle une « voie d'exécution ». C'est la mise en œuvre d'une « sanction tendant à obtenir, au besoin par la contrainte, l'accomplissement d'une obligation » (dictionnaire de vocabulaire juridique Cornu).
Le texte de l'article précise que la saisie peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur. Son principal effet est de les rendre indisponibles.
En d'autres termes, et s'agissant d'une saisie de compte bancaire, cette procédure permet de saisir entre les mains d'un tiers, le banquier, les sommes portées au crédit d'un compte. Elles ne sont toutefois pas attribuées au créancier tout de suite. Elles sont immobilisées à son profit.
Voyons plus en détail comment mettre en œuvre cette procédure et ses suites.
Conditions et effets de la saisie conservatoire de compte bancaire
Conditions
Il existe deux voies pour engager une saisie conservatoire de compte bancaire.
Premier cas : le créancier dispose d'un « titre exécutoire ». Il s'agit généralement d'une décision de justice rendue en sa faveur ou d'un acte notarié qui constate un droit.
Bon à savoir : selon l'article L. 511-2 du Code des procédures d'exécution, le titre exécutoire n'est pas une nécessité en cas de défaut de paiement d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque ou d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeubles.
En ce cas, l'on peut directement saisir un huissier de justice afin qu'il engage la procédure de saisie.
Le créancier bénéficiant d'un titre exécutoire pourra choisir la procédure à engager. Il peut aussi bien engager une saisie conservatoire (qui bloque les sommes saisies) qu'une saisie dite « attribution » (qui les attribue). La saisie conservatoire pourra, en cas de besoin être « convertie » en saisie attribution. La saisie conservatoire peut ainsi intervenir dans un premier temps comme moyen de pression.
Second cas : le créancier ne dispose pas encore de titre exécutoire (ni des conditions d'exception de l'article L. 511-2 du Code des procédures civiles d'exécution). La saisie conservatoire ne pourra alors être engagée que sur demande formulée (requête) auprès d'un juge spécial appelé « juge de l'exécution ». Il siège auprès du tribunal judiciaire.
Bon à savoir : il faut saisir le tribunal du lieu de situation du domicile du débiteur.
La procédure est prévue par l'article L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution. Deux conditions doivent être réunies :
- la créance doit paraître fondée en son principe ;
- le requérant doit justifier de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Exemple : le débiteur déménage pour l'étranger ou est en train de céder son patrimoine à des tiers.
Le juge, s'il accepte la demande, rend une ordonnance qu'il faudra remettre à l'huissier afin qu'il engage la procédure.
Attention : il existe un délai de trois mois suivant lequel la saisie doit être réalisée. À défaut, l'ordonnance est caduque. De la même façon, le créancier doit engager une procédure judiciaire devant le tribunal compétent afin d'obtenir un titre exécutoire dans le délai d'un mois qui suit la saisie (article R. 511-7 du Code des procédures civiles d'exécution).
Procédure de saisie
L'huissier va se rendre à l'adresse de la banque concernée afin de dresser un procès-verbal de saisie conservatoire. Le banquier a obligation de lui répondre quant à la présence de comptes ou non, et au caractère débiteur ou créditeur de ceux-ci. Il est désigné en tant que tiers saisi.
Bon à savoir : avant la saisie et pour être sûr de la présence d'un compte bancaire, l'huissier procède généralement à une recherche par ses réseaux. C'est ce que l'on appelle une recherche FICOBA. Ce service est payant. Il ne permet toutefois pas de connaître la position créditrice ou débitrice du compte, seulement sa présence ou son absence.
Ce procès verbal sera « dénoncé » au débiteur, à son domicile par l'huissier. La dénonciation doit être effective suivant un délai de 8 jours à compter de la saisie, à peine de caducité. Il est alors informé de la procédure et peut former une « opposition » devant le juge de l'exécution.
Les sommes sont bloquées durant la période concernée. Les fonds ne peuvent plus être cédés, transmis ou prélevés (article L. 523-1 du Code des procédures civiles d'exécution).
Issues de la procédure de saisie
Les suites de la procédure dépendent de plusieurs variables.
En cas d'opposition formée par le débiteur, le juge de l'exécution statue sur sa validité. S'il la reconnaît fondée, il peut donner « mainlevée » de la saisie. Les fonds sont de nouveau disponibles.
En l'absence d'opposition, le créancier muni d'un titre exécutoire peut convertir la saisie conservatoire en saisie attribution. Il se fait alors remettre les fonds par l'intermédiaire de l'huissier, en règlement de la dette du débiteur (article L. 523-2 du Code des procédures civiles d'exécution).
Bon à savoir : sauf exception, les frais de ces procédures restent à la charge du créancier. Seul ce que l'on appelle une condamnation aux dépens (par décision de justice) ou un accord amiable consenti peut les mettre à la charge du débiteur.